L’obligation de l’employeur de veiller à la santé des salariés à l’épreuve du coronavirus

L’obligation de l’employeur de veiller à la santé des salariés à l’épreuve du coronavirus

Restez chez vous ! Venez travailler ! … Autant d’injonctions contradictoires qui laissent perplexes de nombreux employeurs. Le droit du travail fait peser sur eux une obligation de résultat en matière de santé et sécurité au travail, pénalement et civilement sanctionnée lorsque l’entreprise n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver les salariés.

La crise sanitaire que nous connaissons pose éminemment cette question de la responsabilité de l’employeur. Certaines entreprises sont réglementairement contraintes à la fermeture et les salariés sont invités à rester chez eux. D’autres peuvent avoir recours pour l’ensemble de leur personnel au télétravail. La situation est claire à leur égard.

Mais pour toutes les autres, et elles sont nombreuses, le dilemme se pose ainsi :

Faire travailler le personnel en espérant pouvoir maintenir a minima l’activité économique de l’entreprise et en faisant aussi preuve de citoyenneté en participant chacun à sa mesure, au maintien de l’économie nationale

ou

Demander aux salariés de rester chez eux afin assurer la santé et la sécurité du personnel à tout prix, considérant qu’aucune mesure n’est suffisante pour leur garantir qu’ils ne contracteront pas ce virus à l’occasion du travail.

Du côté des salariés, les comportements peuvent être contradictoires : certains rejettent l’idée de ne pas venir travailler et contestent des mises en chômage partiel, animés souvent par la peur d’une perte de salaire, d’autres sont tentés par l’exercice du droit de retrait quand il leur est demandé de travailler, considérant qu’ils sont nécessairement en danger.

Sous l’angle de la responsabilité du chef d’entreprise, il convient d’apprécier la situation avec lucidité, mesure et transparence :

  • les conditions de travail, éventuellement aménagées, peuvent elles garantir le respect des règles d’hygiène élémentaires, des gestes barrières et notamment la distanciation sociale, complexe à tenir au sein de l’entreprise ?
  • puis-je mettre à la disposition de l’ensemble du personnel les moyens nécessaires pour se protéger et notamment les masques, gants, gels hydroalcooliques ?

Si la réponse à ces deux questions est assurément négative, le bon sens invite au maintien des salariés à leur domicile.

A défaut, les salariés, qui jugeront que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation en matière de santé au travail, pourront envisager individuellement ou collectivement une réparation de leurs préjudices auprès du conseil de prud’hommes. Concernant le salarié ayant contracté le virus, l’employeur n’est pas à l’abri d’une tentative de reconnaissance d’un accident du travail, même s’il convient de préciser que la tendance actuelle de la jurisprudence est au rejet de cette qualification, s’agissant des maladies contagieuses contractées à l’occasion du travail et apparues après une période d’incubation. Nous ne sommes néanmoins pas à l’abri d’une évolution jurisprudentielle sur ce point.

Au terme de cette première semaine de confinement, beaucoup d’employeurs s’interrogent encore sur le bien fondé d’une décision passée ou à venir de cessation ou de maintien de leurs activités.

Afin d’y voir clair, ces entreprises peuvent être invitées à l’étude d’un plan de continuité de l’activité rassemblant les mesures visant à assurer le maintien des missions essentielles de l’entreprise et à envisager le maintien ou la reprise de certaines activités, si celles-ci peuvent être réalisées dans des conditions sanitaires sécurisées. Ce travail mené en concertation avec les représentants du personnel lorsqu’ils existent, devra utilement associer à distance le médecin du travail.

Cette démarche, qu’elle conduise au maintien des salariés à leur domicile ou à leur poste de travail, devrait permettre d’assurer la traçabilité de la réflexion menée au sein de l’entreprise et d’en justifier auprès des salariés pour une meilleure compréhension des décisions prises, mais aussi peut-être auprès de l’administration du travail, à l’occasion notamment d’un rejet de demande de chômage partiel.

C’est à ces conditions que certains salariés placés aujourd’hui en situation de chômage partiel pourront être invités à reprendre le chemin du travail.

Cette démarche requiert dialogue et pédagogie, à défaut l’employeur risque de se heurter à l’exercice du droit de retrait des salariés, que ce droit soit d’ailleurs justifié ou non au regard des dispositions du code du travail.

« L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle »

(Antoine de Saint-Exupéry)